Sol, le
clown clochard.
Poésie de Marc Favreau
Ses textes, à la fois naïfs, poétiques et
humoristiques ( Les fautes sont voulues
dans le texte! )
Le
crépuscule des vieux
Des fois, j'ai hâte d'être un vieux. Ils sont bien, les vieux, on est bon pour
eux, ils sont biens.
Ils ont
personne qui les force à travailler; on veut pas qu'ils se fatiguent. Même que la plusssspart du temps, on les
laisse pas finir leur ouvrage. On les
stoppe, on les interruptionne, on les retraite fermée.
On leur donne leur appréhension de vieillesse
et ils sont en vacances....
Ah! Ils sont bien les vieux!
Et puis, comme ils ont fini de grandir, ils ont pas besoin de manger tant tellement
beaucoup.
Ils ont personne qui les force à manger.
Alors de temps en temps, ils se croquevillent un petit biscuit ou bien ils se retartinent du pain avec du
beurre d'arrache- pied, ou bien ils
regardent pousser leur rhubarbe dans leur soupe...
Ils sont bien...
Jamais ils sont pressés non plus. Ils ont tout leur bon vieux temps. Ils ont personne qui les force à aller
vite; ils peuvent mettre des heures et
des heures à tergiverser la rue...
Et plus ils sont vieux, plus on est bon pour
eux. On les laisse même plus marcher...
On les roule... Et puis d'ailleurs, ils auraient même pas besoin de sortir du
tout; ils ont personne qui les
attendresse...
Et l'hiver... Ouille, l'hiver! C'est là qu'ils sont le mieux, les vieux; ils ont pas besoin de douzaines de quatorze
soleils...
Non!
On leur donne un foyer, un beau petit foyer modique qui
décrépite, pour qu'ils se chaufferettes
les mitaines...
Ouille, oui l'hiver, ils sont bien. Ils sont drôlement bien isolés... Ils ont
personne qui les dérange. Personne pour les empêcher de bercer leur
ennuitouflé...
Tranquillement, ils effeuillettent et revisionnent leur jeunesse
rétroactive; qu'ils oublient à mesure
sur leur vieille malcommode...
Ah! Ils sont bien...!
Sur leur guéridon, par exemple, ils ont une
bouteille, petite, bleue. Et quand ils
ont des maux, les vieux, des maux qu'ils
peuvent pas comprendre, des maux
mystères; alors à la petite cuiller, ils
les endorlotent et les amadouillent...
Ils ont personne qui les garde malades. Ils ont personne pour les assistés
soucieux...
Ils sont drôlement bien...!
Ils ont même pas besoin d'horloge non
plus, pour entendre les aiguilles
tricoter les secondes...
Ils ont personne qui les empêche d'avoir
l'oreillette en dedans, pour écouter
leur coeur qui grelinde et qui frilotte,
pour écouter leur corps se débattre tout seul...
Ils ont personne qui...
Ils ont personne...